Jallatte : La finance dans toute sa brutalité

Publié le par LA MARSEILLAISE

Délocalisation. 285 suppressions d'emplois, deux usines gardoises fermées... c'est le projet des banques américaines pour Jallatte. Mobilisés, les salariés obtiennent un mois de report.

La finance, dans toute sa brutalité.

Il a fallu moins d’une demi heure pour  que le couperet tombe : le groupe italien JAL a bien l’intention de fermer les deux usines d’Alès et de Saint-Hippolyte-du-Fort, deux cent quatre vingt cinq suppressions d’emplois et la production brutalement, totalement délocalisée en Tunisie.

Le scénario du pire et la manière avec : les documents jetés sur la table du comité central d’entreprise, aucun commentaires, « vous les découvrirez par vous-mêmes ».

La réaction ne s’est pas faite attendre. Près de quatre cents personnes s’étaient rassemblées devant l’usine. Les salariés de Jalatte, mais aussi des délégations de Well, la population locale et de nombreux élus. A 9h30, la salle de réunion du CE était pleine. Et les prises de parole de succédaient, avec des mots très durs prononcés devant le directeur de Jallatte, Joël Aunos, et le directeur général du groupe, venu d’Italie pour présider la réunion, Giovanni Falco. Damien Alary, président du conseil général, lançait : « c’est malhonnête, ce que vous faites ». Jean-Michel Suau, vice-président communiste du conseil général et candidat à l’élection législative, s’adressait également aux dirigeants de l’entreprise : « vous avez une calculette à la place du cœur », en se demandant où étaient les promesses du candidat Sarkozy sur les délocalisations.

« Une calculette à la place du cœur »

Mutisme des deux dirigeants. A l’exception d’un mot de Giovanni Falco : « c’est une chose très lourde que nous sommes en train de faire ». Il en fallait davantage pour convaincre les salariés.

Alain Mancini, sous-préfet du Vigan arrivait vers 11 heures. Des discussions s’ouvraient avec les représentants des salariés, les élus et la direction de l’entreprise. Pour les salariés et Jean-Michel Suau, il importait d’obtenir la suspension de la procédure. Publiquement, le sous-préfet qualifiait d’« intolérable » la méthode employée par la direction de Jallatte.

Les négociations enregistraient une première ouverture : G. Falco s’engageait à mettre les chiffres sur la table – ceux que les élus du personnel réclament depuis trois ans – et à participer à une table ronde, dont la tenue était proposée par le sous-préfet - un cas rarissime. Insuffisant pour les salariés. La ronde des téléphones portables reprenait  - Italie, Etats-Unis - et, finalement, un accord était trouvé.

La réunion d’hier est sensée ne pas avoir eu lieu : elle est désormais convoquée pour le 25 juin. Une table ronde se réunira cet après-midi à 17 heures à la préfecture, à Nîmes. En présence de G. Falco, des élus du personnels et de représentant s de l’Etat et des collectivités locales. La procédure n’est donc pas suspendue, mais elle est déjà reportée d’un mois.

Il était un peu plus de quatorze heures.

Michel Pernet - La Marseillaise - Jeudi 31 Mai 2007

L’union locale CGT d’Alès et les syndicats CGT, CFTC et CGC de Jallette appellent à un rassemblement devant la préfecture à Nîmes, aujourd’hui à 16h30.

Joël Aunos, directeur de Jallatte et Giovanni Falco, directeur général de Jal, n’ont rien eu à dire aux salariés, hier matin à Saint-Hyppolite-du-Fort.

Délocalisation, un cas d'école

Commentaire

L’actionnaire décide et les salariés dégagent. C’est la conception du groupe italien Jal, dont Jallatte est une filiale.

Les actionnaires – des banques américaines, notamment - exigent davantage de profits : d’où le projet d’une totale délocalisation.

Ils le font avec leurs méthodes. Depuis plusieurs années, la direction refuse aux délégués au CE l’accès aux comptes du groupe. Hier matin, le directeur général, arrivé de Milan, refusait encore de donner la moindre explication devant le CE.

Son seul objectif, licencier, et vite. Profitant de la loi Borloo, les dirigeants de Jallatte voulaient que la procédure englobe le volet économique – l’examen du bien-fondé du projet – et le volet « social » - les licenciements. Pour gagner du temps.

Voilà donc un cas d’école. Un groupe multinational rachète une marque prestigieuse, la dévitalise, organise les flux financiers pour mettre Jalatte dans le rouge… et licencie pour faire fabriquer en Tunisie, à des salaires de misère. Sans les qualifications acquises depuis des décennies, qui font la qualité « Jallatte ». Pour faire de l’argent, simplement.

Le président de la République s’est fait élire, entre autres, en se faisant le chantre de la lutte contre les délocalisations.

Michel Pernet - La Marseillaise - Jeudi 31 Mai 2007

Une entreprise qui fonctionne, des actionnaires qui en veulent d'avantage.

Les efforts des salariés

« Depuis plusieurs années, les salariés ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer la productivité de l’entreprise », constatait hier Christian Dubois, délégué CGT. Des efforts qui se sont traduits dans les chiffres.

Au niveau de l’entité Jallatte, les entrées de commandes se sont accrues de 16% en 2006, le chiffre d’affaire a progressé de 12% et la productivité a augmenté de 20% Dans le même temps que la masse salariale était réduite par les 70 licenciements opérés en 2003.

Des efforts anéantis par la facturation interne au groupe Jal : Jallatte lui achète les tiges des chaussures à un coût prohibitif, quitte à les reprendre en raison de leur piètre qualité.

« Tout a été organisé pour préparer la disparition de nos emplois ».

285 licenciements, c’est ce que comporte le projet du groupe. Les usines d’Alès et de Saint-Hippo seraient fermées. Sur 336 salariés, l’entreprise ne conserverait que 41 commerciaux et une dizaine d’administratifs. L’objectif de la table ronde de cet après-midi est d’assurer le maintien d’une partie de la production.

Réactions

Jean-Michel Suau et Patrick Malavieille, vice-présidents communistes du conseil général, ont écrit hier à François Fillon, premier ministre. Ils constatent que « les deux sites gardois restants sont aujourd’hui les dernières unités de production en Europe » du groupe Jal qui a déjà fermer ses sites de production en Espagne et en Allemagne. Ils demandent au premier ministre d’intervenir pour que le groupe Jal reconsidère son projet de liquidation.

Daniel Angot et Michel Sala, candidats LCR aux législatives, s’indignent de ce que «le choix est fait de licencier les salariés plutôt que de baisser les dividendes des actionnaires ». La LCR se déclare solidaire et disponible pour l’organisation de la mobilisation.

Michel Pernet - La Marseillaise - Jeudi 31 Mai 2007

 

 

 

 

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